La légende Murrane

Il y a bien longtemps, à l’époque où les Aibatts possédaient encore leurs deux yeux, le monde était peuplé par des animaux géants aux pouvoirs fabuleux. Néanmoins, ces dons devaient être utilisés avec sagesse. Trop de mauvaises actions transformaient ces êtres en monstres, le contraire les rendaient trop faibles pour survivre. Les animaux avaient toujours maintenu un équilibre malgré leurs différents, jusqu’à l’arrivée du tyran Lupus à la tête des lycans. Les félins s’opposèrent à eux, bien décidés à conserver leur indépendance, déclenchant ainsi une bataille sans précédent.
Au cœur de cette guerre légendaire, deux ennemis se vouaient une haine sempiternelle : Félidae qui avait pris la tête des félins, et Lycros, le descendant de Lupus. Lycros le fourbe portait bien son nom. En effet, il avait échafaudé un plan des plus complexes : il s’agissait de creuser un trou sur le sentier de balade préféré de Félidae et de recouvrir celui-ci de feuilles mortes afin de mieux la tromper. Mais cette dernière n'était guère sotte, et c'est avec grâce qu'elle évita le piège de quelques centimètres ! Troublée par tant de malice, elle heurta violemment le tronc d’un cèdre millénaire déclenchant une avalanche de cônes. Un tel handicap ne pouvait être anodin dans la bataille qui s’ensuivit. Des hurlements de douleur retentirent par delà les plaines environnantes, alertant Murano, le consort de Félidae. Sa compagne était en détresse ! Son sang ne fit qu’un tour, il accourut à la vitesse de la foudre sur le champ de bataille.
- Fichtre, ma bien-aimée se meurt, constata tout haut Murano, la larme à l’œil.
- Tu veux une mornifle su l'bord d'la yeule ? menaça Lycros. Elle n’a plus que quelques instants à vivre, elle est tombée dans mon piège, mouhahahahaha !
- Je n’ai plus que quelques instants à vivre murmura fébrilement Félidae, je ne suis pas to…

Sans attendre, Lycros se jeta sur sa victime sans se douter que Murano interviendrait. S’en suivit une rixe d’une sauvagerie si terrible que Lycros le vil perdit connaissance, assommé par les coups redoublés de son adversaire.

- Tu es méchant, Lycros.
- Ne te préoccupe plus de Lycros mon aimé, son équilibre est rompu. Sa haine l’a rendu aveugle et a terni son pouvoir. Toujours je t’aimerai et toujours veillerai sur toi, souffla d’une traite Félidae avant de s’éteindre pour toujours.

Le monde de Murano s’effondra. Il se releva et chercha Lycros le félon du regard mais celui-ci avait disparu ! Il se mit donc en chasse, suivant la piste sanglante laissée par le tyran. Il finit par le retrouver, haletant et rampant pitoyablement dans un fossé. Murano mordit la tête de son ennemi d’un formidable coup de dent et tenta d’articuler :

- Chè lè mo’te ! ‘hien ! Lâ’he !
Desserrant sa prise, il poursuivit :
- Tu m’as pris tout ce qui a jamais compté pour moi ! Je ne vais pas te tuer mais te frapper jour après jour sans relâche !

Murano traina le corps brisé du meurtrier jusqu’au grand cèdre et commença à l’attacher avec des branches. Lycros se débattit tant et tant que le tronc céda, l’écrasant lentement. Sur ces entrefaites, Murano gronda de colère car il était privé de vengeance. Il se jura ce jour-ci d’éliminer toute l’espèce des lycans même si cela devait lui prendre deux fois l’éternité.
Telle une tornade vengeresse et implacable, Murano se rendit sur le territoire des lycans et massacra tous les autochtones qu’il rencontra. Il en épargna toutefois quelques-uns pour que perdure la peur qu’il avait inspirée à cette espèce.

Dès lors, l’équilibre de Murano fut perturbé. Une soif de sang insatiable l’obnubilait, grandissant jour après jour, déformant son esprit aussi bien que son enveloppe charnelle. Par une champêtre nuit d’été, l’esprit de Félidae lui rendit une visite en rêve :
Murano Ô mon Mumu, j’ai ouï dire que tes actions étaient néfastes, veux-tu bien cesser ? Pourquoi être aussi méchant, c’est tellement mieux d’être un gentil.

Murano, ému par une telle révélation, décida de mettre fin au massacre. Cependant il était trop tard pour qu’il puisse redevenir le chat loyal qu’il était. Mieux valait dormir pour oublier. A l’aide des pouvoirs qu’ils lui restaient, il parvint à se plonger dans un profond sommeil au fond d’une caverne en bordure des plaines de Kailun. C’était sans compter sur la puissance de son chagrin. Un flot de larmes intarissables se déversait autour de lui, donnant source à la rivière isolant ces territoires. Les félins s’installèrent dans cet oasis protecteur durant des années et érigèrent un temple devant l’entrée de la grotte de leur aïeul pour protéger son repos et en cacher le terrible secret.

Affaibli par le temps, le sort de léthargie de Murano se dissipa peu à peu et la source s’assécha au fur et à mesure que ses larmes se dissipèrent, libérant un accès au travers des montagnes. C’est ainsi que les premiers humains purent pénétrer dans le monde des murans.
Ses descendants, les murans décidèrent de construire un temple devant la cachette de Murano pour dissimuler ses sombres secrets. Ils établirent leur village proche de ce sanctuaire. Bientôt, ils plantèrent un arbre pour honorer les esprits de leurs morts au centre de la plaine de Kailun. Mais leur paix ne fut que de courte durée car les lycans, désireux de se venger, avaient retrouvé la piste de Murano et assiégèrent le village Elliun.
Il y a à peine 100 ans, Harmon découvrit par pur hasard un sentier vers la plaine de Kailun qui lui permit d’échapper à une mort effroyable dans le canyon d’Ishtar. Sauvé par des guerriers murans, il réalisa bien vite que ses compagnons d’expédition et lui-même ne pourraient jamais retraverser le canyon d’Ishtar. Il décida donc de dissimuler l’entrée du canyon pour tenter de protéger les habitants du village d’Elliun déjà bien occupés par la menace lycanne, des maléfices du canyon d’Ishtar.


Un p'tit copié/coller ^^